ARTS VISUELS 

Le bestiaire
de Riopelle

Une centaine d’œuvres de Jean Paul Riopelle consacrées au thème animalier seront exposées d’ici deux ans au Québec à l’occasion de la tournée intitulée Les migrations du bestiaire qui débute aujourd’hui à la Galerie Simon Blais, à Montréal. La Presse a rencontré hier les deux filles de l’artiste, Sylvie et Yseult, à l’origine de ce projet unique sur l’œuvre de leur père.

Jean Paul Riopelle a eu une telle palette de sujets picturaux que bien des thèmes de rétrospective sont possibles. Sa fille Yseult a eu l’idée il y a deux ans d’écrire une monographie sur l’œuvre de Riopelle consacrée aux animaux, thème central de ses créations. La monographie Les migrations du bestiaire sort donc en même temps qu’un cycle d’exposition s’amorce à la galerie de Simon Blais, le marchand d’art montréalais qui embrasse le legs créatif de Riopelle depuis une vingtaine d’années.

Les animaux ont passionné Riopelle. Pêcheur et chasseur dès son plus jeune âge, il a peint des dizaines de sortes d’animaux dont l’obsédant hibou et l’oie blanche si souvent représentés, mais aussi le gibier, les animaux domestiques et les oiseaux de proie.

« Tout le monde disait qu’il était abstrait mais lui disait qu’il ne l’était pas, dit Yseult Riopelle. Depuis le début, les animaux et la nature sont présents partout. Les titres de ses œuvres le montrent. » « Il nous emmenait au cirque et au Zoo de Vincennes, à côté de Paris, ajoute Sylvie Riopelle. Il achetait des revues sur la vie des bêtes et il allait à la chasse très souvent. »

La plupart des 40 œuvres exposées à Montréal proviennent de la collection des sœurs Riopelle ou de celle de Simon Blais, mais la tournée comprendra aussi des œuvres prêtées. La présentation couvre tout l’éventail de création de Riopelle avec les huiles, l’estampe, le bronze, les collages, les techniques mixtes, le fusain, la lave émaillée et la céramique.

Yseult Riopelle décrit ainsi, dans sa monographie, l’étendue du langage riopellien présenté : « Textures veloutées, couleurs éclatantes, bestiaire d’une grande complexité, porteur de symboles où l’artiste acharné défriche de nouvelles sentes. Imaginaire sans limite… lecture infinie. »

Elle a composé son ouvrage en faisant des liens entre des œuvres de différentes époques. Cette méthodologie a été conservée dans la scénographie de l’expo. On retrouve, par exemple, des peintures reliées à des bronzes, comme l’eau-forte L’élan de 1968 présentée à côté de la sculpture Famine wapiti de 1970. Dans la même salle, on a mis côte à côte la sculpture Loup-garou, de 1970, et celle Sans titre, vers 1973, qui représente un lièvre les oreilles dressées.

On peut aussi admirer une de ses dernières créations, faite à partir du même rouleau de toile que son œuvre la plus imposante, L’hommage à Rosa Luxemburg. La peinture, Sans titre, Autour de Rosa, créée en 1992, est une des quatre œuvres ultimes de l’artiste. Il y a représenté des oiseaux, une souris, un poisson, et divers objets comme un harnais, une pince, un ventilateur et une paire de ciseaux.

Il faut voir l’immense peinture Au pays des ouaouarons, de 1983, œuvre d’avant-garde de 3,2 m x 3,2 m composée de lithographies rehaussées avec la technique du pochoir, les bombes aérosol servant à dessiner la silhouette d’animaux morts placés par l’artiste sur sa toile. « Le cercle central de l’immense ventilateur a été fait au pochoir avec notre table de jardin qu’il a bombée à côté des oiseaux de Cap-Tourmente », explique Yseult Riopelle. Une œuvre très « inventive », mentionne Simon Blais, et qui est à vendre pour 450 000 $.

On retrouve aussi Riopelle le grand recycleur, lui qui utilise ses propres essais de lithographies de sa série des Hiboux pour créer une œuvre de collages. Et lui qui détourne ses œuvres pour en créer d’autres, comme cette technique mixte de 1989 élaborée sur une lithographie de 1972 et constituée de cartons découpés notamment dans des caisses de cigarettes Gauloises.

UNE GRANDE TOURNÉE

Cette expo est le prélude de la tournée Les migrations du bestiaire, une présentation qui ne sera jamais la même dans chacun des lieux visités, les œuvres choisies dépendant du conservateur et de l’espace disponible. Après la Galerie Simon Blais, elle sera au Centre d’exposition Lethbridge de Saint-Laurent du 18 décembre au 25 janvier 2015, puis à la maison de la culture Frontenac, du 28 janvier au 1er mars 2015, à la Galerie d’art Desjardins de Drummondville, du 8 septembre au 18 octobre 2015, au Musée régional de Rimouski, presque en même temps, du 17 septembre au 22 novembre 2015, et enfin à la Maison Hamel-Bruneau, à Québec, durant l’été 2016.

Comme l’explique Yseult Riopelle, ces expositions auront un parfum différent pour faire découvrir encore et encore l’univers attachant, fantastique et mâtiné de surréalisme de ce génie de la peinture qu’était son père.

Les migrations du bestiaire, œuvres de Jean Paul Riopelle

À la Galerie Simon Blais, 5420, boulevard Saint-Laurent, jusqu’au 14 juin.

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